La main gauche de la nuit

Jaffa, faubourgs, abords du quartier hospitalier, tôt le matin du mercredi 16 novembre 1138

Accroupi au-dessus du mince ru formé par les intermittentes pluies matinales, un enfant jouait avec des brindilles, imaginant de frêles esquifs brinquebalant sur des rapides. Indifférent à la boue froide qui maculait ses pieds, il déplaçait de sa baguette les échoués, réalignait les désorientés, poussait les retardataires.

« Ma femme voulait qu’on l’appelle Luce…

— Il serait mieux qu’elle porte un nom des miens, nous en avons déjà parlé. »

Les voix graves des deux hommes s’entendaient à peine, chuchotées par-dessus le petit enfant emmailloté de hardes que l’un d’eux tenait dans ses bras. Arborant une ample barbe grisonnante, celui-ci, qui s’exprimait depuis l’abri d’un renfoncement avait échangé le bambin contre une bourse où cliquetait du métal. Le visage las, il semblait pressé de repartir chez lui, d’oublier la sordide transaction. Le second, jeune homme au physique noueux dans des vêtements fatigués, s’attardait à dévisager le minuscule être qui allait quitter sa vie : une fille qui lui avait pris son épouse, Marguerot, morte en couches et enterrée le mois précédent. Soulagé de n’avoir plus à s’occuper de cet enfant dont il ne savait que faire, il n’arrivait pas à briser ce fil ténu et se tenait là, tête nue sous les gouttes, cherchant à assouvir, sans espoir, son amour de père.

« Il faudrait partir, maintenant, souffla le barbu. Nous risquons d’attirer l’attention à nous.

— Vous pourriez pas la baptiser, au moins ? Même si vous lui choisissez autre prénom que Luce ? »

Le porteur du bébé soupira. Il ne souhaitait pas répondre à cette question absurde. Il ferait bien sûr bénir la nomination de sa fille, qu’il pensait appeler Rébecca, comme sa propre mère. Mais il préférait ne pas indiquer à ce Celte que cela se déroulerait à la synagogue. Il se contenta de ramener l’enfant contre lui, dans sa chaleur.

« À palabrer ainsi, nous risquons de la réveiller et d’attirer les curieux. Il est temps… »

Comme il allait partir, Gautier tendit un pouce hésitant et traça le signe de croix sur le front de sa fille. Puis il se détourna, cherchant du regard Lotier, toujours occupé à pousser ses bâtonnets dans le ruisselet. Il lui prit la main sans ménagement, s’écartant à grands pas en direction des quartiers est de la ville.

« Avance, gamin. On va se trouver de quoi se nourrir sur la route d’Acre. Le chemin sera long.

— On retourne pas chez les bons pères ?

— Non, c’est fini pour nous, ça. On va s’en retourner au Nord.

— Et Luce, elle vient pas ? »

Gautier lança un regard peu amène à son petit garçon, espérant que cela suffirait à le faire taire. Depuis quelques semaines, Lotier avait appris que les coups pouvaient rapidement pleuvoir. Il baissa donc le menton, trottinant à la suite de son père dans les flaques de boue en direction de la porte orientale. Ils passèrent sans encombre au milieu des gardes, qui ne s’occupaient que des entrants, et prirent le chemin au nord, parmi la palmeraie et les jardins qui bordaient la côte aux alentours de Saint-Nicolas. Une pluie fine, mais insistante les incita à profiter de l’abri d’une halte où ils purent échanger quelques derniers méreaux de l’Hôpital contre de la nourriture.

Assis contre le mur du bâtiment, à l’abri des regards et des gouttes, Gautier vérifia son honteux pécule, de minces rondelles d’argent étincelant. Il espérait s’installer à Acre le temps de trouver une façon de remonter vers les siens, à Antioche. Il avait quitté la grande cité afin de fuir les conditions de vie misérable de sa famille, manouvriers et journaliers sans le sou. On vantait alors les riches terres du sud, offertes à qui voulait les travailler. Il avait convaincu Marguerot de l’épouser pour vivre ce rêve méridional.

Il n’avait pas escompté que sans avoir, nul arpent n’était concédé. Une fois encore le bien allait aux plus aisés. Les deux jeunes mariés avaient donc erré, louant leurs bras saison après saison. La naissance de Lotier avait affaibli Marguerot, mais elle n’avait pas accepté de rester en retrait : elle pouvait abattre le travail d’un homme sans se plaindre. Ils avaient toujours trouvé de quoi s’employer, traversant de-ci de-là la plaine de Sharon selon les mois, quémandant auprès des frères de Saint-Jean lorsque la jointure se faisait rude.

La seconde grossesse de Marguerot, manifeste durant Carême, n’avait été que souci et inquiétude. Alors que son ventre s’arrondissait, ses traits se creusaient, sa peau virait au gris. Elle eut juste assez de souffle pour donner naissance à sa fille. Cependant, elle rendit son âme à Dieu sans jamais avoir entendu son enfant crier. Encombré d’un garçon en bas âge en plus d’un bébé, Gautier avait fait ce qu’il pouvait, abandonnant ses maigres économies auprès de nourrices pas toujours aimables ni serviables. Et la mauvaise saison voyait les prix du pain s’envoler tandis que le travail se faisait rare. Au Nord, il ne serait plus seul, au moins.

Tyr, plage septentrionale, début d’après-midi du lundi 6 janvier 1141

Clopinant dans le sable derrière Gautier, Lotier sentait les embruns projetés par les vagues. Il aimait l’odeur saline, les relents de putréfaction et d’algues de la côte. Il rêvait de se faire marin, imaginait que son père et lui prendraient un bateau pour retourner chez eux, au nord, à Antioche. Il n’osait pas en parler, de crainte de se voir rabrouer. Gautier était un fermier, qui ne connaissait que la terre, préférant se crotter de boue tandis qu’il maniait la houe ou la pelle plutôt que de se risquer en mer. Et avec le temps, il ne s’adressait plus à son fils que par injonctions, imprécations ou vitupérations. Le gamin avait appris à se faire docile et muet.

Quelques pêcheurs attardés débarquaient leurs paniers sous des nuages menaçants, la tête dans les épaules. Si les cieux n’étaient guère cléments, les prises ne s’en ressentaient guère et la cité était florissante. Gautier espérait toujours un bon prix des poissons les plus petits, ceux qui s’étaient abîmés dans les mailles des filets ou qui présentaient une difformité. Il faisait cuire le tout dans un infâme potage où le père et le fils trempaient leur pain à tour de rôle. Rien que d’y penser, Lotier en avait la nausée.

De lourds nimbus venus du large poussèrent chacun à se hâter vers un abri, en les murs. Gautier et Lotier rejoignirent juste à temps le modeste appentis appuyé à l’enceinte qu’ils louaient. Le propriétaire, un hirsute musulman tisserand de voiles, ne parlait qu’avec difficulté la langue des conquérants et ne s’intéressait guère à ce qui se passait dans son local tant que le loyer était payé. Ce qui convenait parfaitement à Gautier.

Il s’était installé là pour les mois d’hiver, cherchait à demeurer inaperçu autant que possible. Il se louait parfois comme portefaix, mais la concurrence était rude. Dans l’arrière-pays, il était quasiment impossible de trouver de l’emploi. En dehors des casaux peuplés d’Européens, les autochtones étaient généralement réticents à l’idée d’embaucher un Latin, dont ils savaient qu’ils ne pourraient se défendre devant les tribunaux en cas de problème. Au fil des mois, le capital qu’il avait à son départ de Jaffa avait irrémédiablement fondu.

Il s’agaçait aussi de devoir se préoccuper sans cesse de Lotier, ou de devoir payer pour sa garde lorsqu’il trouvait quelques travaux nomades, escorte de voyageur pour l’entretien des bêtes ou des chantiers où les enfants encombraient. Peu après la Saint-Michel, il avait dû s’en remettre une nouvelle fois aux frères de Saint-Jean pour soigner les fièvres du garçonnet, contribuant à contrecœur aux dépenses de simples et de potions nécessaires pour son rétablissement complet. Il ne pouvait reprocher aux moines de s’assurer qu’il poursuive le traitement qu’ils avaient offert gracieusement plusieurs jours durant, mais c’était là un luxe dont il se serait bien passé. Ils l’avaient aussi critiqué de ne pas surveiller assez l’hygiène de Lotier. Ce qui l’avait amené à sermonner durement le gamin pour qu’il prenne l’habitude de se laver plus souvent à la fontaine.

Ils s’installèrent sur le grabat qui leur servait de lit, profitant de la chiche lumière de la petite fenêtre. Gautier attendait la fin de l’averse pour allumer le feu au-dehors. Son bailleur lui interdisait de cuisiner à l’intérieur ou d’y apporter la moindre flamme, par crainte des incendies. Il maugréait sans cesse contre ce zèle précautionneux, mais en admettait le bien fondé. Il ne tenait surtout pas à attirer l’attention sur lui, s’estimant de passage dans une ville qu’il n’avait guère envie d’apprendre à apprécier.

« Père, j’ai mal au ventre…

— C’est la faim, le repas arrivera tantôt.

— Je ne sais, ça me tord les boyels depuis hier… »

Gautier posa la main sur le front du gamin. Il était trop chaud, clairement fiévreux !

« Où es-tu allé traîner encore ?

— Nulle part, père, je reste ici quand… »

La gifle tomba comme un couperet, réhaussée d’un regard qui en annonçait une autre en cas de récidive.

« Si tu restais ici à l’abri comme je dis, t’aurais pas respiré males vapeurs. Tu sais combien tes fantaisies vont de nouveau coûter ? Tu crois que je trime pas assez ? »

D’agacement, il secoua et poussa Lotier sur la couche.

« Mets-toi au moins sous la couverture. Qu’on raconte pas encore que je suis mauvais père. »

En disant cela, il jeta un coup d’œil dehors. Le temps semblait se dégager, il pourrait peut-être préparer le repas dès à présent, que le gamin avale un plat chaud. Il ne savait jamais si c’était la chose à faire. C’était là le travail d’une femme, pas le sien. Il maudissait le sort de lui avoir pris celle qui aurait dû le soutenir en cette période difficile. La veille, à la messe, il avait prié pour le repos de l’âme de Marguerot. Il avait aussi demandé à la Vierge de protéger sa petite Luce, confiée à des mains inconnues. Il soupira longuement. Si seulement ce gamin savait se tenir tranquille et arrêter ses bêtises, les choses seraient tellement plus simples !

Jérusalem, parvis du Saint-Sépulcre, fin de matinée du vendredi 13 avril 1145

Embauché par l’Hôpital pour faire escorte à des pèlerins venus de Beyrouth, Gautier s’était résolu à profiter de son séjour à Jérusalem pendant la Semaine sainte. Il n’avait jamais assisté aux grandes célébrations de Pâques dans la capitale du royaume et s’émerveillait de la foule qu’il y croisait. Le ventre plein de son repas du matin, il s’aventurait pour la première fois hors de l’enclos des frères de Saint-Jean, découvrant l’édifice qui hébergeait le tombeau du Christ et la Croix qui l’avait vu mourir. Il était un peu hésitant à y entrer, oscillant sous le haut tympan sculpté, esquivant les pèlerins qui allaient et venaient.

Perdu dans ses pensées, il ne prit pas garde à l’approche d’un homme de grande taille, le cheveu brun et le menton fier, dans une tenue dont on sentait qu’elle l’endimanchait plus qu’elle ne le vêtait.

« Que les démons m’emportent ! C’est bien le Petit ! Gautier le Petit ! Si je m’attendais à ça ! »

Ainsi apostrophé, il dévisagea celui qui se présentait face à lui, mains sur les hanches, opposant sans y prêter garde un récif aux flots de dévots, irrités de se voir gênés dans leur progression spirituelle.

« Ça alors, le Grand ! Que fais-tu en la Cité ? Tes Pâques ?

— Oui-da. Il est bien temps ! J’ai suivi tes traces au sud.

— Comment ça ?

— J’ai décidé mon vieux père à me doter suffisamment pour venir chercher bonnes terres par ici. J’ai trouvé beau manse auprès du Saint-Sépulcre, en un casal pas loin, au septentrion, dans les collines de Judée. »

Gautier hocha la tête. Aymeric appartenait à une famille de charpentiers débarqués avec les premiers conquérants normands. Leur maison était florissante et il ne faisait aucun doute que même s’il n’était pas l’aîné, il avait eu de quoi s’installer confortablement.

« Et toi alors ? Tu avais marié la Marguerot avant de partir. Vous avez prospéré ? Vous êtes dans les environs ?

— Non, je suis seul, je… »

À la mine soudain déconfite de Gautier, Aymeric comprit que le sujet était sensible. Il entoura son ami d’enfance d’un bras protecteur.

« Foin de ces commérages, compère. Allons donc trouver taverne où réjouir nos gosiers de festives retrouvailles. Christ va ressusciter et le Grand et le Petit sont de nouveau ensemble. Que peut-on espérer de mieux ? »

Sans même escompter une réponse, il prit le chemin de Malquisinat, se contenant de sourires pour tout échange en attendant de pouvoir se poser. Il estima en un clin d’œil que la situation de Gautier n’était pas prospère, ses vêtements élimés en ces temps de fête indiquant certainement le secours de quelque institution charitable. Et sans épouse pour veiller sur sa tenue, il était notoire que nul ne savait entretenir son linge correctement. Aymeric avait longuement regretté le départ de son compère de toujours, compagnon de bêtises et de punition, confident et équipier de ses aventures infantiles. Même si sa famille n’approuvait guère qu’il s’acoquine avec un enfant des classes les plus modestes, Gautier était son ami et il le défendait contre vents et marées.

Ils trouvèrent un banc où s’assoir près d’un commerce de soupes, d’où s’échappait le fumet d’un excellent pain. Munis d’un pichet de vin, ils commencèrent à trinquer aux retrouvailles et il fallut peu de temps à Aymeric pour vanter le casal où il s’était installé voilà quelques mois, après de longues recherches.

« C’est à deux pas de la Cité, en direction de Naplouse et la Samarie, dans un des coins les plus sûrs de la région. Ici pas de Turkmènes nomades qui viennent piller ou de soudan belliqueux. Et les clercs du Saint-Sépulcre font honnêtes conditions.

— Ils ne veulent de certes pas simple manouvrier comme juré en leurs terres. J’ai bien tenté ma chance un peu partout, jamais on m’a fait bon accueil.

— Hé quoi, dira-t-on de moi que je n’aide sochon dans le besoin ? Si je me porte garant, je doute que frère Pisan, l’intendant, voie d’un mauvais œil ton arrivée.

— C’est fort amiable à toi, compère, mais je n’ai ni fer ni monnaies. Je n’ai que mes bras à louer à qui veut.

— Que je peux jurer à tous comme valeureux ! Je pourrais t’employer un temps, j’ai tant à faire ! Le moment venu, nous trouverons à qui emprunter de quoi acquérir ce qu’il te faudra pour avoir ton propre manse. Accueillir fidèle compaing à la Mahomerie, voilà qui m’enjoierait le cœur. »

Gautier sentait un poids qui disparaissait de ses épaules. Suivre les pas du Christ était peut-être tout ce qu’il avait eu à faire pour que ses problèmes s’évanouissent à jamais. Il sourit à son ami, qui prit cela comme une invitation à poursuivre.

« Quoi qu’il en soit, tu dois voir mon espousée avant la fin des Pâques ! Ou, mieux encore : nous pourrions écouter messes de concert, comme quand nous étions garcelets auprès du tombeau de saint Julien ! »

La Mahomerie, église paroissiale Sainte-Marie, veillée du mercredi 17 mai 1150

Quelques veilleuses éparses dans les chapelles scintillaient dans la noirceur de la grande église. Installés dans la nef principale, sur des bancs autour de la maigre lumière d’une lampe, Gautier, son épouse Alison et le père Pandouffle, curé de la paroisse, discutaient tranquillement. Sur les genoux de la jeune femme, un bébé somnolait, repu d’une longue tétée. Le prêtre essayait de faire entendre raison à Gautier pour le baptême de la petite fille, prévu pour la Pentecôte prochaine.

« Je ne disconviens pas que ce soit joli, mais comme le dit Alison, il est d’usage que l’enfant soit nommé ainsi que sa marraine, en l’occasion.

— D’autant que tu n’as pas voulu nommer notre garçon comme son parrain, Aymeric. Ne sera-t-il pas vexé de voir que tu fais de même avec son espouse ?

— Il comprend bien mes raisons. C’est de coutume en la famille de mon père : le premier fils est appelé Lotier et la première fille Luce. Pensez-vous que je sois si mauvais enfançon que je respecte pas mes aïeux ?

— C’est là fort louable désir. Mais l’usage commun, de certes sage et ancien, a pour bienfait de fort marquer les liens. Il nous fait souvenance de la proximité de cette famille de cœur, choisie.

Gautier maugréa entre ses dents. Il avait pris cette décision sans trop savoir pourquoi et refusait d’en démordre sans plus de raison. Mais il sentait au fond de lui-même que c’était la chose à faire. Il ne pouvait juste pas parler de ses deux premiers enfants. Personne, pas même Aymeric, n’était au courant à la Mahomerie et il craignait les réactions si on apprenait ce qu’il avait fait. Il se disait qu’il tenait l’occasion de se racheter de ses précédentes fautes. Il avait dorénavant un manse à lui, une jeune épouse pleine de santé, qui lui avait déjà donné deux petits dont la vigueur était renforcée par une saine alimentation. Cette nouvelle famille serait heureuse et il saurait s’y comporter en bon père. Il avait désormais quelques arpents à labourer pour y récolter de quoi tous les nourrir. Bien plus que les siens n’en avaient jamais eu ! Avec Luce et Lotier à qui offrir une belle vie. ❧

Notes

L’idée initiale de ce Qit’a est venue de la lecture de l’interdiction par le Concile du Latran III de la vente d’enfants « aux sarrasins et aux juifs » (en 1179). On sait que bien souvent les textes réprimant certaines pratiques permettent d’en deviner l’existence. Il faut malgré tout se méfier d’en faire trop de généralités, car cela peut aussi être l’émanation de craintes diffuses et profondes de la société. Elles peuvent s’exprimer sous cette forme très officielle sans que la réalité en soit avérée clairement. Dès l’instant où des interdictions cléricales font référence aux autres religions, la circonspection me semble de mise. Je n’ai ainsi pas découvert de procès intenté pour de tels agissements à la période qui m’intéresse.

Je me suis dit que ce pouvait être l’occasion de se pencher sur les relations à l’intérieur d’une famille, sur ce que pouvaient être de mauvais traitements et la question des pratiques genrées à l’époque médiévale. Là encore, je n’ai rien trouvé de bien clair et documenté sur ce qui pouvait exister factuellement et j’ai décidé de construire ce récit en m’inspirant de ce que j’ai pu retenir de lecture plus générales, ou d’exemples plus lointains, comme celui de Montaillou.

L’idée du traitement du personnage de Gautier m’a été insufflée par l’excellent roman d’Ursula Le Guin, La main gauche de la nuit, où les questions de dualité et de genre au sein d’une société (extra-terrestre dans son cas) sont posées de façon à nous renvoyer à nos propres usages. De plus le titre fait référence à un texte poétique interne à l’ouvrage que je trouve particulièrement évocateur et inspirant (dans sa version originale : Kroeber Le Guin, Ursula, The Left Hand of Darkness, New York : Ace Books, 1969) :

Light is the left hand of darkness,

and darkness the right hand of light.

Two are one, life and death, lying

together like lovers in kemmer,

like hands joined together,

like the end and the way.

Traduction française © Jean Bailhache pour les éditions Robert Laffont :

Le jour est la main gauche de la nuit,

et la nuit la main droite du jour.

Deux font un, la vie et la mort

enlacés comme des amants en kemma,

comme deux mains jointes,

comme la fin et le moyen.

Références

Alexandre-Bidon Danièle, Lett Didier, Les enfants au Moyen Âge, Paris : Hachette, 1997.

Bourin Monique, Durand Robert, Vivre au village au Moyen Âge. les solidarités paysannes du XIe au XIIIe siècle, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2000.

Kroeber Le Guin Ursula, La Main gauche de la nuit, Paris : Robert Laffont, collection « Ailleurs et Demain », 1971.

Le Roy Ladurie Emmanuel, Montaillou, village occitan de 1294 à 1324, Paris : Folio Histoire, 2008.